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http://fr.wikipedia.org/wiki/Denis_Tillinac
TRIBUNE -
L'écrivain Denis Tillinac en appelle à la présidente du Front national en
faisant valoir qu'elle aurait plus intérêt à rejoindre Nicolas Sarkozy qu'à
faire élire François Hollande.
Madame,
Permettez à un
électeur de Nicolas Sarkozy de vous exprimer sa perplexité.
En refusant de
soutenir le candidat de la droite au second tour, en présumant que sa défaite,
assortie d'une déconfiture de l'UMP aux législatives, ferait le jeu de votre
parti,
vous cautionnez une politique de la terre brûlée qui réduira comme auparavant le FN aux acquêts de supplétif du PS.
vous cautionnez une politique de la terre brûlée qui réduira comme auparavant le FN aux acquêts de supplétif du PS.
Car si vous
faites élire Hollande, il y aura certes du tangage à l'UMP, et des
«triangulaires» qui conforteront la majorité des rouges, des roses et des verts.
Mais votre prospective achoppera sur une évidence: la pérennité des familles
politiques en France, en l'occurrence la droite bonapartiste et la droite
orléaniste.
Elles se métamorphoseront sans doute, mais elles survivront et les
bonnes fortunes ponctuelles du FN à tel scrutin n'y changeront rien.
Ce qui changera,
c'est la société française si la gauche déjà hégémonique dans les régions, dans
les départements, dans le système médiatique, dans le corps enseignant s'empare
des leviers de commande étatiques.
L'alliance d'Aubry, de Mélenchon et de Joly
nous promet une véritable mutation anthropologique: une récusation de notre
héritage, une mise au rebut de la filiation, de l'altérité et de l'enracinement,
une prime à la police du langage.
Ce n'est pas anodin.
La vision du monde qui
sous-tend le programme de la gauche, c'est Le Meilleur des mondes de Huxley dans
une version cosmopolite et androgyne, une dictature soft de
l'indifférencié.
En favorisant
l'élection d'Hollande, vous vous exposeriez au jugement sévère de l'Histoire:
elle ne retiendrait que votre complicité dans l'avènement d'un puritanisme
triste et peu respirable, fomenté par une gauche qui vous accable de son mépris.
Ce serait du pur masochisme.
Certes la droite
a souvent relayé la diabolisation du FN, et je conçois votre ressentiment.
Sachez que nous sommes nombreux à dénoncer la bienséance pharisienne, cynique et
fielleuse qui depuis trente années traite vos amis comme des parias.
La haine
dont ils sont les victimes a été mitonnée, attisée et orchestrée par un «mixe»
de staliniens faussement repentis et de soixante-huitards moralement à la
ramasse.
Je n'ai jamais voté pour le FN et j'ai réprouvé le principe d'une
alliance tant qu'il drainait les restes épars du pétainisme, de l'intégrisme, de
l'OAS et autres avatars des dictatures européennes d'antan. Gaullisme oblige.
J'ai voté de Gaulle (référendum de 1969), Pompidou (1969), Giscard (1974,1981)
Chirac (1988,1995,2002), Sarkozy (2007, 2012), c'est vous dire que je ne suis ni
un gaucho, ni une girouette, ni un ultra.
J'ai critiqué
les positions de votre père, ainsi que la ligne de votre campagne, un peu trop
mélenchoniste à mon gré.
Pour autant, je n'ai jamais avalisé les amalgames et
les bassesses qui ont grimé Jean-Marie Le Pen en émule de Mussolini, voire de
Hitler.
Je n'ai jamais hurlé avec la meute des bobos qui soldent leurs
reniements et leur nihilisme dans la traque inquisitoriale du gibier lepéniste.
Jamais je n'ai invoqué ce «cordon sanitaire» qui isolerait le FN «pourri» du
reste «sain» de l'humanité.
La connotation «biologique» de ces deux mots -
cordon sanitaire - rappelle de mauvais souvenirs historiques, et plus récents
que les léproseries du Moyen Âge.
Ils déshonorent ceux qui en usent pour vous
néantiser.
Jamais je n'ai
laissé dire sans protester que votre père, vous-même ou vos militants seraient
passibles d'un coefficient moral négatif.
Jamais non plus je n'ai cru que votre
parti représentait un danger pour la démocratie, la république, les «valeurs
humanistes», et cætera.
Le seul danger pour la démocratie française,depuis que
je suis né, c'est un robespierrisme récurrent dans les abysses de l'inconscient
collectif.
J'ai toujours considéré Jean Marie Le Pen comme un adversaire, jamais
comme un ennemi.
Il sait cela.
C'est pourquoi je me crois autorisé à vous
rappeler que la gauche et la droite, ce n'est pas du pareil au même.
En France,
depuis la Libération, Torquemada sévit à gauche, pas ailleurs.
La gauche
française vous hait sans merci.
Elle vous utilise si ça l'arrange, elle ne vous
respectera jamais.
Vous m'objecterez que par candeur, pusillanimité,
opportunisme ou inculture historique, certains dignitaires droitiers, piégés par
son manichéisme, lui mendient leur respectabilité - en pure perte d'ailleurs.
Je
vous rétorquerai que nous sommes de plus en plus nombreux à les envoyer paître.
Nous aurons eu tort si vous enlisez votre parti dans une marginalité au long
cours en refusant de choisir entre la droite et la gauche.
Bayrou, qui a de
grandes qualités, a payé cher un refus du même ordre.
Tandis que si
vous tenez une position cohérente, d'ailleurs souhaitée par une majorité de vos
électeurs, votre âge, votre talent et vos efforts pour dépoussiérer votre parti
laissent présager des lendemains plus ensoleillés.
Ils n'adviendront pas si
Hollande est élu par suite de votre atermoiement ; le FN demeurera le refuge
aléatoire et sans issue de désarrois au demeurant légitimes.
Souhaitez-vous ce
destin-là?
Quoi que vous
pensiez de Sarkozy, il a ouvert des yeux, aéré des neurones et libéré des mots.
Comme vous, il a été harcelé et méprisé par le système médiatico-mondain que
vous dénoncez à juste titre.
Il vous a combattue dans l'arène politique, il n'a
jamais insulté les vôtres.
Il serait
inconvenant que vous en usiez à son égard comme ceux qui l'ont éreinté par les
moyens les plus vils, y compris des insinuations antisémites.
Permettez-moi de
penser que la raison politique, et même le bon sens, milite pour qu'au moins
implicitement vous favorisiez le vote en faveur du candidat de la droite.
Elle
vous en saura gré, dès les législatives, et au-delà.
Je vous prie
d'agréer, Madame, l'assurance de mes sentiments
respectueux.
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